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le charme de l’histoire

Comment se fait-il qu’un sentiment si profond, si puissant, soit si souvent éphémère ? C’est qu’il naît de ce qu’il y a de plus fragile dans notre double nature, le caprice d’un corps qui se lasse, les illusions d’un cœur qui finit toujours par s’ouvrir à la vérité. La Comtesse Diane ne l’ignore pas, et elle l’avoue dans une réflexion qui, sous sa forme légère, suppose cependant encore la sincérité de l’affection : « En amour, le mot « toujours » veut dire seulement de la bonne volonté pour l’avenir ». (109). Un jour viendra peut-être où l’un de ces deux êtres qui semblaient ne plus en faire qu’un se réveillera de son ivresse, indifférent et glacé ! L’autre devra reprendre seul le sillon de la vie : il lui faudra se consoler, c’est-à-dire, arracher de son cœur jusqu’au souvenir du bonheur perdu. Comment nos deux moralistes vont-ils dépeindre le sentiments qui agitent son âme ? « En amour, dit philosophiquement La Rochefoucauld, le premier guéri est toujours le mieux guéri » (417). C’est charmant et c’est vrai, même pour l’amour ; mais ne sent-on pas que La Rochefoucauld pense surtout à cette galanterie légère où, quand on s’unit, on prévoit qu’on se quittera bientôt ; où, quand on se quitte, la grande affaire est d’être bientôt consolé ? Gageons que, dans sa vie, La Rochefoucauld a toujours été guéri le premier !

Quant à la Comtesse Diane, elle ne s’occupe pas