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le charme de l’histoire

mité publique, un de ces malheurs contre lesquels les moyens ordinaires sont impuissants et qui suspendent en quelque sorte la vie sociale et les conditions normales de l’existence, nul n’en serait étonné, et chacun s’y prêterait avec résignation et dévouement. Mais c’était une institution permanente que l’on prétendait créer. Cette privation générale des droits les plus simples et les plus naturels était l’état normal auquel on prétendait condamner la société.

Le résultat obtenu justifia-t-il au moins un tel sacrifice de la liberté ? En 1586, quelques années à peine après l’établissement de ce régime, une famine sévit sur la contrée. M. de Brandt fait une description douloureuse de la misère qui la suivit. Son récit prouve combien le régime qui venait d’être établi était inefficace. Les pauvres affluèrent dans la ville, où des distributions de pain se faisaient par les soins de la municipalité. Ils forçaient les maisons des bourgeois, menaçaient du pillage, et, après la levée d’une taxe supplémentaire, ils prétendirent exiger que chaque habitant prît à sa charge, dans sa maison, un ou plusieurs pauvres.

La « Taxe des Pauvres » fut conservée à Abbeville jusqu’à la Révolution ; mais il paraît qu’elle fut abaissée : le prieuré de Saint-Pierre, taxé en 1588 à 104 livres par an, ne payait plus en 1739 que 54 livres, quoique la monnaie eût alors moins de