C’est peut-être dans sa retraite que Granvelle nous intéresse le plus, parce que c’est là qu’on aperçoit le mieux l’homme derrière le politique. Il resta le conseiller fidèle et écouté de Philippe II, non seulement pour les affaires des Flandres, mais pour celles de tout l’empire[1]. Loin de s’abandonner à l’amertume et de chercher à se venger, comme l’eût fait une âme vulgaire, il ne cessa d’engager le roi à employer les seigneurs qui avaient exigé son éloignement, à conserver ou à rendre la régence à Marguerite qui avait ironiquement pressé son départ. Quand plus tard Egmont, le principal auteur de sa chute, fut emprisonné par le duc d’Albe, Granvelle intercéda pour lui, suppliant le roi d’oublier les torts récents et de ne songer qu’aux services passés. À Besançon, la Raison d’État, ce mot qui, dans le langage hypocrite des hommes politiques est synonyme d’attentat au droit ou à la morale, ne lui conseillait que le pardon et la clémence. Que n’est-il resté fidèle à ces généreux sentiments quand il redevint ministre ! En même temps il vantait à ses amis le clair soleil, les belles montagnes, les bonnes truites
- ↑ C’est par la copie qui lui en fut envoyée de Madrid que nous avons connu la correspondance du duc d’Albe rendant compte à Philippe de sa mission a Rayonne auprès de Catherine de Médicis en 1565. Le duc était chargé d’obtenir de la reine qu’elle poursuivît les Huguenots en France, comme Philippe les poursuivait dans ses États, et, ce jour-là, quoi qu’en aient dit les contemporains et les historiens, Catherine s’y refusa. Encore une légende qui tombe !