Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
lettres de dubuisson

terre, il a découvert Shakespeare, Locke et Newton ; il cherche à les faire connaître à la France et il donne la première impulsion à ce mouvement vers les études scientifiques qui exerça une influence si considérable sur la marche des idées, et par suite sur celle des évènements. Mais il a encore à parcourir quarante années de sa longue carrière, et s’il est déjà l’homme de lettres le plus haut placé dans l’admiration du public, il n’est pas encore le Roi Voltaire. Dubuisson établit sérieusement un parallèle entre lui et son ennemi Rousseau ; et ce Rous­seau n’est pas Jean-Jacques, encore ignoré de tous ; c’est Jean-Baptiste, le vieux poète lyrique, qui, du fond de son exil, n’en reste pas moins en possession d’une gloire jusqu’alors incontestée, quoique destinée à pâlir bientôt par l’éclat même que jettera sur le même nom un autre personnage. « Je ne juge point entre deux hommes si illustres, dit Dubuisson ; Apollon me paraît leur avoir assez également dispensé ses faveurs, et s’ils sont quelquefois au-dessous l’un de l’autre, c’est qu’ils sont en même temps au-dessous d’eux-mêmes. Je conviendrai pourtant d’une chose, c’est que Rousseau a sur Voltaire l’avantage de s’être négligé moins souvent et d’avoir par là d’autant plus mérité du public qu’il l’a plus respecté… On dit qu’ils entretiennent entre eux un commerce d’injures grossières ; quelle anecdote à mettre dans leurs fastes,