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le charme de l’histoire

si elle est vraie ! » En comparant ses deux héros, Dubuisson se préoccupe exclusivement de leur mérite littéraire ; quelques années plus tard, quand le mouvement philosophique du xviiie siècle eut commencé à se dessiner, il aurait compris sans doute que dans l’un des deux rivaux il y avait derrière l’écrivain un penseur, à côté du talent un caractère ; que Voltaire n’écrivait pas pour la satisfaction stérile de présenter aux lettrés des périodes savamment arrondies et des vers ciselés suivant les règles de l’art ; que toutes ses œuvres, même ses tragédies ou ses contes, étaient destinées à propager une idée et à atteindre un but poursuivi sans relâche ; que c’était là, bien plus encore que le mérite de son style, ce qui ferait sa puissance sur ses contemporains et la durée de sa renommée. De même, quelques années plus tard, il n’aurait plus douté des injures que Voltaire avait l’habitude d’échanger avec ses contradicteurs.

Déjà les querelles de Voltaire occupaient l’attention publique autant que ses écrits. Il était harcelé par l’intarissable abbé Desfontaines qui, avec une escouade d’obscurs collaborateurs, abordait tous les genres et attaquait, suivant l’occasion, tous les sujets et toutes les personnes ; il était poursuivi par ses éditeurs qui l’accusaient de faire imprimer à l’étranger les ouvrages qu’il leur avait vendus, ou qui le rendirent responsable de la suppression de