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lettres de dubuisson

chasse de l’église avec l’aide du suisse, et le fait arrêter.

Au milieu de toute cette confusion le gouvernement avait pris parti, et naturellement l’opinion s’était aussitôt tournée contre lui. Il eût été cependant dans son rôle en intervenant, si au lieu de prétendre juger la question de foi, il s’était contenté de mettre le holà et de rétablir la paix.

Cette dernière tâche, qui est essentiellement celle du gouvernement, n’était pas facile alors, même en dehors de l’agitation religieuse. La difficulté ne provenait pas seulement de cette disposition innée qui porte les Français à prendre parti contre le représentant de la loi et à laquelle Dubuisson opposait tristement les mœurs anglaises. La France se ressentait encore de l’époque féodale, où tout lien social étant relâché, toute autorité nationale anéantie, la force individuelle était restée la seule sauvegarde. Se faire justice à soi-même avait été une nécessité, puis était devenu un point d’honneur, parce que quiconque n’était pas de force à se défendre était réduit à acheter, par un hommage qui diminuait sa liberté et sa dignité, la protection d’un plus fort que lui. Depuis, la monarchie absolue avait rétabli l’unité française, mais le respect de l’autorité n’était pas encore accepté par tous, n’avait pas pénétré dans les mœurs. Beaucoup d’individualités avaient conservé plus de puissance et plus de prestige que