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le charme de l’histoire

imprévue, sa place, pour parler du trône ! Bossuet et Racine l’eussent-ils employée ?

Déposer le caractère royal et recouvrer, sous le voile de l’incognito, la faculté de circuler librement, de parler et d’entendre, a été le rêve de bien des souverains, qu’ils se nommassent Haroun-al-Raschid ou Henry IV, ou Pierre-le-Grand, ou Marie-Antoinette. Mais ce rêve était difficile à réaliser à une époque où l’on n’avait pas encore l’habitude de rencontrer, habillés d’un veston et mêlés à la foule, les princes les plus résolus à faire respecter leur majesté, lorsqu’ils sont en représentation.

Le récit fort intéressant de l’attentat de Damiens nous montre les exigences de l’étiquette, le besoin qu’éprouvait le roi de s’en affranchir et le soulagement qu’il ressentait lorsqu’il y échappait un instant.

Louis XV avait conservé le souvenir des témoignages d’affection populaire qui l’avaient étonné et charmé lorsqu’il avait été malade à Metz. Il s’était écrié alors : « Que leur ai-je donc fait pour qu’ils m’aiment ainsi ? » Quelques années à peine s’étaient écoulées et voilà qu’un fou le frappe dans sa voiture, d’un coup de canif ! Soit par la crainte que l’arme fût empoisonnée, soit par l’appréhension de voir sa vie désormais sans cesse menacée, le roi tomba dans une stupeur profonde. « Il resta plus d’une semaine au lit, dans sa vraie chambre à