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dufort de cheverny

« Sire, elle est partie ce matin. » Qu’alors le roi avait dit : « Quoi ! déjà ! » La Borde s’était aperçu qu’il lui sortait deux grosses larmes ; puis le roi s’était renfoncé dans son lit, sans plus ouvrir la bouche » (I. 401).

Dés les premières années du nouveau règne, Dufort voit le danger et déplore la marche des évènements. Seulement, s’il sait pressentir les approches d’une crise redoutable, il ne sait pas en discerner les véritables causes. Cédant à la tentation ordinaire de quiconque juge les évènements contemporains, il en cherche la raison dans le caractère ou dans l’imprudence de tel ou tel personnage. Attribuer la Révolution à la faiblesse de Louis XVI ou à l’incapacité de Maurepas est certes plus facile que de reconnaître la faute universelle dont on est soi-même le complice inconscient. Frivoles, égoïstes, sans mœurs, sans foi, les hautes classes, qui jusqu’alors avaient seules dirigé la société, étaient fatalement condamnées à perdre un rôle dont elles avaient cessé d’être dignes.

Cependant, au moment où apparaissent, vagues encore, les premiers signes de la tourmente, la noblesse conserve, par la force d’une longue habitude, son prestige traditionnel. Vers elle se tournent les regards de la foule qui désire des réformes et qui, pour les préciser et les obtenir, cherche instinctivement des guides. Les habitants du Blai-