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dufort de cheverny

rentes ; aucun d’eux n’eut à se féliciter de celle qu’il choisit.

Amelot, ancien ministre de Louis XV, émigra. Ses biens furent confisqués. Son fils aîné fut emprisonné comme parent d’émigrés, et vit deux fois, à la Conciergerie, ses geôliers creuser devant lui la fosse qui lui était destinée. Quand Amelot rentra de l’étranger, sous le Directoire, il était tombé en enfance et ruiné.

Salaberry, le second beau-frère, ancien président de la Chambre des Comptes de Paris, était ardent et enthousiaste ; « toute sa vie, dit Dufort, il avait mal digéré les phrases alambiquées de Diderot, Rousseau et Voltaire » (II. 75). Il se lança dans le mouvement, se fit élire officier municipal à Blois, puis juge de paix, courut les clubs et les assemblées populaires pour préconiser les idées nouvelles. Bientôt, s’apercevant qu’on allait plus loin qu’il ne l’aurait voulu, il se mit en travers du torrent, perdit aussitôt sa popularité et fut guillotiné.

Dufort n’imita ni l’un ni l’autre. Plus calme et plus sensé que Salaberry, il ne se jeta pas dans la mêlée. Moins compromis qu’Amelot, il refusa d’émigrer. Dès le 8 octobre, quelques-uns de ses amis, effrayés par le récit des violences populaires, s’étaient enfuis en Suisse, et le pressaient de venir les rejoindre. « Nous nous consultons, dit-il ; nous avons une grande possession à surveiller, des