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les moindres indices, pour pousser une enquête et provoquer une irruption dans la vie privée, sont scrutés avec férocité. Un faible incident s’y accentue en prenant une largeur épique. Le pas qu’on entend craquer sur le sable inonde les artères de sang. Le bruit d’une ferrure, la roue d’un fiacre qui passe rapide, un son de cloche annonçant une agonie, un nom nouveau jeté comme publication de mariage dans les armoires à treillis de la mairie, une bonne qui lira attentivement son journal, en grimaçant d’un air significatif, une distraction du curé en disant la messe, du linge d’une finesse ou d’une ornementation différente de celle qu’on a l’habitude de voir dans les paniers des blanchisseuses de certaines clientes quand elles viennent à domicile : tout cela est passé au crible de la magistrature et de la bourgeoisie.

Pendant que ces intrigues marchaient, Jonquille arrivait, porteur de diverses lettres que Duvicquet et Renée n’avaient pas voulu confier à la poste. Sabine, après plusieurs conférences secrètes avec le rapin, parut prise d’une subite résolution.

— Voulez-vous que je vous réconcilie, vous et le curé, demandait-elle un matin, à son mari ?

Raimbaut la regarda d’un air étonné.

— Est-ce que vous croyez la chose possible ?

— Donnez-moi seulement votre assentiment, sans exiger que je vous indique quels seront mes moyens.

— Vous l’avez, fit-il, non sans hésiter un peu.