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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/149

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sabine

touffu, qu’il ne s’en dégageait aucune transparence bleuâtre ; c’étaient de véritables ormes de couvent faits pour protéger d’un rideau immobile la ceinture incendiaire de désirs, qui piquait de temps à autre les flancs des filles deux fois majeures quand elles s’égrenaient au milieu de la place à la sortie des vêpres.

On aurait cru que, pour s’exercer à la méchanceté, les femmes allaient volontiers entendre les réquisitoires du substitut aux phrases finement moulurées pour la calomnie ou l’insinuation. Il semblait que ces créatures conservaient dans leurs veines les dernières gouttes d’un sang de magistrat, tant la salive qui roulait les mots et la langue qui les prononçait les jetaient pareils à des têtes de vers grouillants. Ces drôlesses auraient été mariées à des présidents de chambre correctionnelle qu’elles n’eussent été ni plus enragées ni plus vipéreuses. Leurs dents d’ogresse paraissaient empruntées à la mâchoire de sanglier du sieur Brissout de Barneville. C’était comme si cet homme eût mis bas un nombre illimité de femelles, tant le type du loup cervier demeurait acquis au faciès de ces colombes d’innocence, qui rougissaient parfois d’un rouge de président en train d’avaler un inculpé comme une dragée.

Rien, du reste, ne peut rendre l’agitation de la petite ville au moment où Mme Raimbaut y essayait son installation. Si l’on n’a point pour son compte passé six mois de stage en semblable endroit, le récit le mieux circonstancié n’en donnera aucun reflet. Là