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sabine

la planche de dessus ; soudain, une petite main s’appuya au bras de l’ouvrier.

— Non, je vous en prie, monsieur, pas maintenant, ne clouez que demain matin, que je puisse encore la regarder cette nuit.

Il se retourna vers l’enfant, ne comprenant rien à ce qu’on lui murmurait. Qu’est-ce qu’elle réclamait, c’t’innocente ?

Elle voulut s’expliquer plus clairement, parler comme une grande fille, posément, sans pleurer… mais la mère Lebas s’interposa. Devenait-elle folle, à la fin ? s’imaginait-elle qu’on pouvait revenir deux fois pour un mort ? où prenait-elle tous ces caprices ?

— Allons, allons, interrompit l’homme, à c’t’âge-là, ça pleure comme ça pisse.

Et, mettant des clous dans sa bouche, il ajusta le couvercle et s’agenouilla pour clouer. Sa besogne achevée, Mme Lebas crut devoir l’inviter poliment à entrer chez elle boire un verre de vin. On était pauvre, quoi, mais on savait pourtant faire ce qu’on devait. L’homme accepta en s’essuyant la bouche, et sortit avec Mme Lebas.

La porte resta entrebâillée, la bière en bois blanc demeurait poussée prés du lit ; mais à cause de la petitesse de la chambre elle se trouvait, par le fait, presque au milieu de la pièce. La nuit tombait, Frissonnette alluma un petit bout de chandelle, et se rassit sur sa chaise, évitant de regarder la bière ; un commencement de crainte vague l’atteignait,