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sabine

abandonné ses vêtements que parce qu’elle emportait mes boucles. Ma foi, qu’elle devienne ce qu’elle pourra.

Et l’on ne pensa pas longtemps à Frissonnette, au no 126 du faubourg Saint-Antoine.

Cependant, la fugitive s’installait dans une petite chambre d’hôtel ; mais ses deux cents francs d’économie s’épuisaient vite. Un jour, elle se coiffa plus soigneusement qu’à l’ordinaire ; elle se préparait à jouer son va tout, selon le terme usité ; ses boucles lustrées luisaient, d’un éclat inaccoutumé, une vie impalpable les agitait comme si elles eussent réellement pris racine à sa tête fiévreuse. Elles lui effleuraient la nuque ainsi que des balbutiements de caresses. Ce qu’il y avait de singulier, c’était le brillant de leurs ondes qu’aucun cosmétique ne diamantait. Comme elles étaient longues et de remuante perversité pour le cœur, ces boucles folles qui auraient mis en rut jusqu’au Dieu caché dans une hostie, autrement dit, l’invisible verbe qui s’agite sans cesse sous les plis intimes du vêtement humain ! Comme leur attouchement courait chatouilleux sur cette peau de femme ! Quels inénarrables serpentements de flamme leur ondoiement vous faisait courir par contrecoup à l’épine dorsale ! Elle les tirebouchonna autour de son doigt et les rapprocha de sa bouche ; une humidité étrange persistait dans ces soies enroulées, luisantes, où les sens de Frissonnette, saisis un instant d’hallucination, retrouvaient comme la moiteur de l’ancienne agonie. En y égarant ses lèvres, elle s’imaginait baiser encore les bandeaux de