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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/244

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sabine

l’agonisante, et, près des bandeaux, ses tempes mouillées. Dans un court espace de temps, cette dépouille tout humaine lui rendit le contact de celle qui n’existait plus, le masque suintant qu’elle se souvenait d’avoir essuyé avec un mouchoir sale, la bouche tordue et baveuse, grimaçant, à la place d’un adieu tendre, un anathème ; mais les pensées tristes ne durèrent pas, elle esquissa un drôle de sourire, et se dit qu’elle avait eu raison de cueillir après ce cadavre le seul ornement susceptible de lui être utile. — Avec cela, se répétait-elle, on me paiera chèrement ; c’est incroyable comme ces deux machines m’allongent l’ovale du visage, me donnent quelque chose de penché, de comme il faut, m’aident à ressembler à ces « demoiselles » du bon air, que j’ai vues dans la rue allant prendre une leçon d’anglais en face de chez nous, suivies d’une gouvernante. — Sans mes anglaises j’ai la tête d’un gamin qui court le trottoir pour acheter deux sous de frites. — C’est étonnant comme maman cachait de beaux cheveux dans son bonnet crasseux… Je ne m’étonne pas maintenant si elle les soignait, si elle les peignait.

Et un éclat de rire sonna rapidement au creux de sa gorge.

— Bah ! fit-elle, est-ce que par hasard ils ne lui auraient point servi à exercer le même métier que moi ? Maman, qui tirait parti de tout, a dû se vendre, elle aussi. — Pas de danger qu’elle aurait laissé sa chevelure improductive… Ai-je été bête de ne pas la