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sabine

serait suffisant pour écraser ces parvenus, que son tuteur bafouait devant elle. L’ambition d’être « quelqu’un » lui sautait à la gorge ; elle éprouvait vaguement ce besoin des natures viriles de s’incuber dans une action, de mener jusqu’au bout une œuvre, d’imposer son autorité sur un groupe de gens. Quand Renée la reconduisit à Paris, la transformation opérée abasourdit jusqu’à Duvicquet ; lorsque Mme de Sérigny quitta celle qu’elle appelait maintenant sa petite ambitieuse, Sabine, en pleine aspiration d’avenir, se rivait à un travail opiniâtre, décidée à acquérir une force intellectuelle ou artistique dont le triomphe assurerait pour elle la certitude des représailles et la meilleure à infliger. Quel avait donc été le dessein de Renée en dérobant à Henri une partie de la vérité ?

Je ne sais à quelles lois sont soumises ces aspirations horribles qui vous lappent le sang ; mais ce qui est marqué du monstrueux brave l’insuffisance du jugement des hommes. Enfant, Sabine le ressentait déjà, et l’on a beau vouloir cacher la dépravation des sens, tôt ou tard elle fait irruption. Que l’inceste qui a pris naissance dans notre sang se nourrisse de sa dépravation même, qu’il en creuse l’horreur et qu’il s’en envenime jusqu’à extinction, c’est fort possible ; mais qu’il soit contraire à l’humaine nature, c’est ce que je nie, puisqu’elle l’accepte dans ses moindres déductions. La preuve c’est qu’à la limite extrême du paroxysme où Mme Raimbaut s’imaginait être la proie d’un affreux amour,