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sabine

elle ne songea point à se sauver de sa maison. Quelques heures après, elle se voyait détrompée par Duvicquet qui lui expliquait que Renée, redoutant probablement la crise violente où son amour la jetterait, avait laissé la croyance de sa paternité subsister en lui, sans vouloir dévoiler la vérité à Raimbaut. Quant à la bizarrerie de cette façon d’agir, il n’en fallait point demander la justification à Mme de Sérigny : si elle s’était ainsi comportée, c’est que tel avait été son bon plaisir.

— Tu sais bien, ajouta Henri, qu’avec elle on ne creuse pas très avant sans se heurter à la barre d’acier de sa volonté. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en me forçant à croire que tu étais ma fille, Renée releva mon courage éteint, ou plutôt, ma foi dans ma carrière. Elle réunit sur ta tête mes adorations ardentes, exclusives, et elle ne me détrompa qu’au moment où je me figurais être criminel, en t’aimant d’un amour que je supposais atroce.

Chose singulière, cette nuit-là, Sabine s’obstina malgré l’évidence à se persuader qu’un cachet monstrueux marquait ses fantaisies délirantes. Pendant que Duvicquet cherchait à dépouiller leur liaison de son caractère antiphysique, elle s’efforçait d’en prolonger l’illusion en son cerveau. Elle voulait l’aimer dans le détraquement de ses sens bouleversés, et ne cessait de lui répéter :

— Que m’importe, au bout du compte, si tu es mon père ? Toute idée publique, toute convention