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sabine

liaisons perverses dont le vertige chauffait la chair anémique de la jeune femme. Le lit, les objets, participaient à l’ensorcellement ; une nouvelle intensité d’appétit ouvrait chez elle les désirs hésitants, et la précipitait impérieuse vers le but final. Entre les draperies du lit, qui se tendaient autour de Sabine ainsi que les rideaux d’un temple, elle demeurait étendue, et la teinte rose de l’étoffe, un peu pâlie à l’usage, l’enveloppait de sa nuance flétrie en évoquant déjà à la pensée les traces délicates d’un amour délicieusement fané.

Ces draps sur lesquels pesait l’immobilité de son corps gardaient le pli de l’ivresse éprouvée, de l’odeur latente du baiser. Leurs membres s’y étaient coulés, leur peau y avait senti la caresse de la batiste parfumée ; leurs reins y avaient roulé, enlacés l’un à l’autre, flambants, enragés, incendiant la place où le sommeil les surprenait, et il suffisait à Sabine de s’y recoucher pour éprouver d’abord un flux de tempête sous la peau, et le pourlèchement des anciennes caresses qui lui ressaisissait l’épiderme à travers la fraîcheur du linge. Certains jeux de passion échappent au jugement des hommes, et les voluptés spasmodiques qui atteignaient Mme Raimbaut en ses plus froides régions étaient de celles qui effaçaient les transes des mauvais pronostics par la force de la jouissance active des embrassements nouveaux. Mais dans cet enlacement de deux corps l’un contre l’autre, et qui s’achevait avec ce coup de dent donné brutalement à la matière, il se révélait surtout,