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sabine

étage, où se montrait quelque mine fûtée de jeune bonne, l’escortaient dans le trajet ; c’était comme s’il eût emporté un peu de sa maison avec lui. Cet homme qui partait se battre une dernière fois dans l’inconnu, regardait se mouvoir ces mêmes hommes dont il conservait l’espoir de soutirer l’argent ; ses yeux plongeaient en esprit au fond de leur gousset et de leurs poches ; il se disait qu’ils devaient se revoir dans une heure à la Bourse ; les fibres de ses mains grossissaient soulevant sa peau comme si, nouveau père Goriot, il allait tordre du métal ; ses narines s’évasaient comme pour mieux saisir les odeurs humaines de cette foule, au milieu de laquelle il marchait furtivement, ainsi qu’en pays annexé.

On se trouvait à la fin de février. Des souffles âpres précipitaient le pas des oisifs. Le vent fouetta les nuées. Ce paysage obscur, énigmatique, que fouillait ardemment le désespoir d’un homme, où, lorsqu’on lève les yeux, on ne voit que des traînées sales en l’air, où, dans les vapeurs viciées, entrait quelque chose de la boue de Paris, prenait une expression sordide et morne. Il était fait pour forcer un être humain à montrer le poing aux arbres maigres et aux ardoises noires des toits ; il avait cette teinte écœurante, lourde qui nous dit que rien ne peut changer en dedans ou en dehors de nous. À ce moment, Henri atteignait l’alignement des arbres qui entourent la Bourse comme un rectangle.

Brisé sous l’effort, sous la courbature morale, il vit une ascension de dos dont le nombre illimité finissait