Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

303
sabine

À droite de la Bourse un épanchement de blanc jaillit presque aussitôt pendant que l’horizon se trouait ainsi qu’une baie, s’ouvrant sur un lointain de vapeurs, d’où l’on distinguait des fusées de vert s’accentuant en ligne droite, pareils à une végétation naissante. Bientôt cette blancheur voisine se teinta de bitume ; mais cette note sourde, un peu triste, n’en donna qu’une nouvelle énergie de tendresse aux plans inférieurs devenus subitement très rouges, très charnus, sous l’action solaire, et qui semblèrent se masser à un coin du ciel comme une chair tout sang et tout amour.

Cependant l’évaporation des couleurs s’opéra lentement. On ne distingua bientôt que des agroupements de nuées aux cambrures bleuâtres, allongées, où l’esprit de l’artiste sculptait des Chimères sphinxtiques dont il s’imaginait interroger le vol inquiétant, où le gris et le jaune, en s’épaississant, arrivaient à une vraie cuisine de tons, que ne pouvait ne pas voir l’œil d’un coloriste. Le peintre regardait à travers l’humidité miroitante. Il croyait sentir entre ses doigts la soie huileuse de sa brosse étendant sa pâte large, ardente, dont il frappait autrefois sa toile par plans carrés ; et, se trouvant de la boue aux pieds, de la sueur aux mains, apercevant au-dessus de sa tête un nuage qui se fendait, comme le rire d’un pitre, il revint à lui, se disant : — C’est juste, il ne me reste qu’aujourd’hui pour sauver la situation, ou périr.

Dans la rue et au milieu de la place les choses et les hommes creusaient ses rages. Il vit des gens