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sabine

titude finissait ; le désastre cessait de pouvoir être conjuré : la lutte se terminait. En partant, il se sentait le calme qui suit les résolutions suprêmes. L’asphalte et les pavés enfonçaient sous ses pieds comme du caoutchouc, et ses cheveux se dressaient.

Il arrive souvent qu’une fois la torture éveillée, on aime à en descendre toutes les spirales ; à peine vient-on d’en approcher sa lèvre qu’on cherche encore « l’au-delà » du poignant inconnu. On fouille les degrés de l’épouvante ; on a des balbutiements de paroles, des hésitations de gestes, comme si, dans l’égarement des sens, allait surgir enfin la solution de l’abominable énigme. Duvicquet écoutait mourir dans ses veines le frisson d’angoisse qui s’affinait jusqu’au bout de ses doigts ; il supputait combien de minutes il avait encore avant de se faire sauter la cervelle ; puis il se répétait que quelques gouttes d’acide prussique vaudraient mieux.

— C’est assez vite fait, concluait-il, et c’est infiniment préférable au sang répandu. On se tue derrière la coulisse… Eh ! eh ! j’ai presque trouvé un mot.

Comme il allait tourner le coin de la place, il aperçut dans le tas grouillant des agioteurs le sieur Saulon-Sonil, ancien remercié du ministère de l’intérieur, policier connu, proche parent de l’abbé Saulon-Sonil, — ancien blackboulé à la députation de l’île Saint-Pierre, ancien rédacteur de l’Ordre, natif de l’île Bourbon. Cet homme, forcé de subvenir au luxe de sa femme, inventait une multitude de rubriques, même celle de fabriquer des dictionnaires.