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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/328

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sabine


XIV


La nuit tombe moins vite dans les campagnes, en février, que dans les villes. Le plein ciel empêche l’obscurcissement trop rapide ; aussi le courrier qui conduisait le coche parti de La Châtre n’avait-il pas songé à allumer ses lanternes. Il est vrai d’ajouter qu’il connaissait à un caillou près les tas de pierres qui bordaient la route. Une seule personne occupait l’intérieur, et la voiture n’étant lestée que de ce léger fardeau dansait sur ses ressorts en cou de cygne. Un observateur aurait constaté que ces secousses n’arrachaient pas le possesseur du coupé à ses méditations. Il vint un moment où un coup d’œil distraitement jeté lui montra les terrains noirs s’incrustant dans la ligne lointaine de l’horizon. À mesure que les chevaux dévoraient la distance, l’éloignement diminuait ; cette ligne sinistre, qui n’offrait guère que l’apparence d’un gros câble, semblait ballotter dans l’étendue. Il y avait des arbres dont le faîte, après avoir plongé dans les vapeurs obscurcissantes, paraissait brusquement rentrer dans le sol. Les dernières images de la vie quittaient leurs apparences, leur aspect, leur couleur