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sabine

tion, toujours à son premier jet, elle saisit les morceaux de papier dispersés et lut avec une stupéfaction profonde qui communiquait un tremblement à ses mains :

« Me reprocherez-vous de l’avoir fait passer pour votre fille ?… Mais, si j’ai usé de ce subterfuge, ç’a été dans l’espérance d’écarter d’elle un amour qui lui devait être funeste, et j’avais juré à sa mère que cette enfant, repoussée un instant de vos bras, y reviendrait. Or je n’ai pas découvert d’autre moyen d’arracher de votre cœur les traces d’un affamement que je devinais de nature à croître chaque année. Je me disais que le père en vous tuerait l’amant. J’ai souhaité pour Sabine la vie régulière, ne redoutant rien, je le répète, comme de la voir s’éprendre violemment en dehors du mariage. Je restais convaincue que sa première grande passion la tuerait…

« Non, ce ne fut point la jalousie qui dicta ma conduite. Je n’aurais eu, d’ailleurs, qu’un mot à prononcer pour vous reconquérir comme amant, et je ne l’ai point tenté, et je n’ai point voulu affirmer despotiquement ce que je savais être encore restée pour un homme comme vous, Henri, me contentant entre nous deux d’une amitié un peu plus ardente que ne le comporte en général l’amitié, quand sa puissance n’a pas derrière elle les violences d’un passé comme le nôtre… »

Il y avait interruption dans la lettre.

Ainsi ils s’écrivaient ; il était question d’elle, et Henri, redoutant ses susceptibilités, le lui cachait.