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sabine

roulaient furieusement ses veines jusqu’au bout de ses doigts, et dont la violence allumée lui eût fait entamer la pierre.

Dans cette étoffe pailletante, légère, tissée pour ainsi dire de fil de la vierge, et que les femmes d’Orient drapent si savamment autour de leurs hanches flexibles, reposait ce qu’elles avaient de prenable, et ce qui, pour l’instant, ne l’était point. Les eaux pharaoniennes venaient de battre les flancs de ces créatures qu’Henri Duvicquet aurait été de force à aller chercher, même sous la courbache du vieil Ibrahim. — Dix ans de ma vie, songeait-il, pour être garçon de bain ou fille de service, et présenter à la vague ce que je ne parviendrai jamais, comme plusieurs de mes confrères, à ravaler plus bas qu’une source, un arbre ou un rocher. — Mais il se trouvait forcé de rester calme, stupide en apparence, et d’écouter la phrase de l’eunuque, l’initiant à la vie des habitants du sérail, au nom du maître, comme on livre un haras à l’œil d’un visiteur. Le peintre ne voulait pas qu’on lui supprimât aucun détail ; il allait au-devant de tout, poussant l’indiscrétion assez loin. Un instant, emporté par sa fougue, il s’écria en présence d’une jolie kalaïks :

Dis-moi, jeune fille d’Athènes,
Pourquoi m’as-tu ravi mon cœur ?

Mais la jeune fille d’Athènes, qui arrivait peut-être de Circassie, le regarda d’un œil stupide. — Henri pirouetta, très décontenancé.