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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/351

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sabine

et c’était effrayant de constater quelle intelligence voilée, quelle secourable sottise chaque fonctionnaire apportait aux prétentions de son collègue de table, comme s’il n’eût pas été là pour son propre compte. Dans l’atmosphère couraient des souffles chauds que la Varlon, la Mansoury et Mme Roudier, la femme du député, humaient avec délices, quoique exhalant une odeur de femmes mûres dont l’âcre senteur s’échappait en elle de dessous les bras. Et leurs seins tremblaient pendant qu’elles riaient ; leurs regards avaient des amollissements pour les hardiesses des hommes. Ces dames se scrutaient dans le blanc des yeux, sondaient les creux des corsages qui descendaient toujours et sur lesquels les mains affectaient un travail de remontage ; et mangeurs et mangeuses se rapprochaient, se parlaient dans le cou, les manches d’habits des hommes effleurant les bras nus des femmes, les pieds jouant sous la table, le rire et les paroles grasseyant, pendant que dans les phrases s’introduisaient des équivoques honteuses. Et chacun finit par s’huiler, par se graisser au frottement de son voisin au point que, bientôt, tous ces vices s’engluèrent les uns dans les autres.

Cependant on continuait à prendre les ordres de Mme Abel. Carlamasse, à sa droite, lui détaillait certaines questions qu’elle daignait discuter.

Et ces fonctionnaires dont le nez et la bouche éructaient les truffes débattaient l’avenir d’un pays, taillaient, coupaient, rognaient, distribuaient des