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sabine

tée, la « pôvre » ! et elle n’a pas eu de mal à s’installer maîtresse chez moi, puisqu’elle y réside actuellement presque seule.

Imagine-toi que depuis l’instant où mon tuteur s’est logé son projet dans la tête, il me semble que le monde entier s’empresse autour de moi de la même façon que si j’étais un infirme ; on me demande des nouvelles de ma santé, comme si j’étais ma tante, et comme si à tout prix il fallait m’empêcher de mettre mon bien en viager. Je t’assure que la chose est exacte ; je rirais fort si je ne craignais que M. Henri Duvicquet, dont je suis la très tendre et gâtée pupille, ne poursuivît jusqu’à la fin son projet malfaisant. Mais tu sais comme moi, ma chérie, que lorsque quelque chose a été soupçonné devoir entrer dans la vie de quelqu’un de ta connaissance, cet exubérant d’affection qui constitue mon tuteur ne permet pas aux obstacles de l’éloigner : bon gré malgré il faut que ça arrive. Juge ce qui m’attend s’il se persuade que la sagesse, ou plutôt Mentor sous la forme d’une tirelire, doit me conduire à l’hymen ?

Cependant, figure-toi qu’il est des instants où je m’imagine que je ne lui fais pas de peine en battant en brèche ses plans matrimoniaux. Hier au soir, par exemple, je l’ai mis dans une de ces rages au milieu desquelles je tremble pour nos pièces rares, vieux Rouen. Il m’achevait pour la millième fois l’exposé de sa théorie au sujet de je ne sais quel parti qu’il a en vue pour moi et sur lequel il m’interrogeait. Je fus