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sabine

obligée d’avouer que, tout en ayant causé ici un hiver avec le « parti » en question, je ne me sentais aucun… comment te transcrirai-je cela ?… aucun béguin pour lui. — À ce mot de béguin, prononcé très innocemment, j’ai cru que mon tuteur allait fracasser la pendule. — Jamais je ne viendrai à bout de te marier dans le monde ! s’est-il écrié, comme dernier argument… Jamais, non, jamais ! Et, après avoir trépigné comme je trépignais dans mon enfance, il a… accepté une tasse de thé que je lui préparais gravement. Alors je lui dis : — Mais, enfin, qu’appelez-vous : le monde ? — Le monde ! m’a-t-il répliqué, en essayant un geste qu’il voulait rendre immense… c’est… ce coin de terre, ce préjugé géographique du globe où l’on a la chance de voir éluder le bourgeois, quoiqu’il réussisse parfois à s’y glisser. Le monde ! c’est cette société contraire à celle qu’on reçoit au palais du grand Manitou ; car ce qu’on appelle le monde ne va pas chez le grand Manitou. Là, dans le vrai monde, on a le courage de cracher à la trogne du parvenu. Si l’artiste y est encore par trop sous l’empire d’une bienveillance protectrice, au moins fait-on cause commune avec lui pour combattre des ennemis qui sont aussi les siens. Je crois bien que cette flatteuse définition du monde est absolument erronée et que je suis appelée à en fournir des preuves sérieuses à celui qui me les offre dans sa naïveté de cœur. Mais je restai convaincue que mon obstination à le contredire le chagrinait, et, dans le but de lui plaire, je répli-