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sabine

tourner le menton, ourler plus légèrement les contours, et, selon que l’idée opère en nobles courbes ou se recroqueville sous la lenteur de son évolution, le facies s’amoindrir ou s’épurer par contre-coup.

Sabine n’était certes pas délestée de cette passion de la revanche, en atteignant seize ans.

L’époque du mariage approchait. Duvicquet ne sortait presque pas de l’atelier. Sabine y venait moins souvent, ne s’effarouchant pas, lui rendant boutade pour boutade ; soucieuse, elle aussi, elle stationnait parfois une minute sur ses genoux, un de ses bras passé autour du cou du peintre, le regardant d’un air assez étrange. Une décharge d’électricité sexuelle jaillissait de leurs personnes. Inconsciemment elle sentait quelque agent secret qui la travaillait et l’alentissait. Un frisson lui rayait la peau quand il l’embrassait. Pourquoi la pression prolongée d’une des mains d’Henri le long de son corps la laissait-elle imprégnée de convoitises, de ces convoitises dont l’ardeur se veloutait encore pour elle des mystères de l’ignorance ? Qu’y avait-il au fond d’étreintes aussi rageuses ? Pourquoi l’affection qui semblait dominer M. Raimbaut lui mettait-elle au visage un contentement qui ne lui enlevait rien de l’aisance de ses manières, tandis que celle d’Henri se traduisait par la brutalité des appels, la singularité des silences, l’enfièvrement des mains, le choc de sa personne contre un mur ou un siège, ou la suavité soudaine de son grand œil suivant ses bonds dans la chambre, lorsqu’elle quittait le