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Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/98

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sabine

divan ou elle laissait les coussins de travers comme un lit défait ?

— Comme vos cheveux sentent bon ! lui dit-elle un matin, installée dans sa posture favorite, pendant que Mme de Sérigny versait le café. Vous ne vous servez jamais de pommade ?

— Jamais.

— Respire donc, Renée ; ça sent le nid, moitié foin, moitié aile d’oiseau ; c’est étonnant.

Elle aspira longuement l’arome de cette chevelure brune, se grisant déjà des odeurs du mâle, plongea sa bouche dans le cou d’Henri et lui embrassa les joues et les paupières.

— Encore ! faisait-elle en lui appliquant de gros baisers près de l’oreille. Mais votre barbe me gêne. Allons, vite une risette, monsieur, ou je me fâche.

Il sourit pâlement et voulut la glisser à terre.

— Non, restez comme cela, dit-elle avec son despotisme ordinaire. Je tiendrai votre soucoupe pendant que vous boirez, mais ne bougez pas.

Renée apportait la tasse. Sabine la prit et chercha à la porter aux lèvres de Duvicquet ; mais, à un mouvement fébrile échappé à son tuteur, elle laissa tomber la soucoupe qui se brisa.

— Sacré tonnerre ! gronda le peintre.

— La porcelaine ne dure pas longtemps ici, s’écria Renée.

— Elle était déjà fêlée, murmura la jeune fille, qui voulut descendre des genoux d’Henri pour ramasser les fragments épars.