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12 JEAN-FRANÇOIS MILLET,

forma tout seul au Musée, ou il fit plusieurs copies ; dans 1’intervalle, il lisait avec ardeur tout ce qui lui tombait sous la main, et parmi beaucoup de fatras, Shakespeare, Byron, Walter Scott, Goethe, Chateaubriand, Homère, que lui prêtait un jeune commis de librairie, M. Feuardent, son ami. 11 travailla avec Langlois, dans l'église de la Trinité, à deux grandes scènes de l’histoire sacrée, où il fut chargé notamment des mains et des draperies. Cependant son maître, pleinement conscient de son impuissance à le pousser plus loin, demanda au conseil municipal d’examiner trois de ses dessins, et de l’envoyer, si l’impression lui était favorable, à Paris avec une pension. On vota difficilement, à la voix prépondérante du maire, 400 francs, auxquels le conseil général, après un premier refus, en ajouta 600 ; aux deux budgets suivants, les mêmes tiraillements devaient se reproduire. Millet partit, le cœur gros de laisser tous les siens. II arriva le soir, par la neige, et, dans son froid et minable hôtel garni, fut pris d’une crise de larmes. G’était en janvier 1837. Bien accueilli par plusieurs personnes pour qui il avait des lettres de recommandation, un sentiment d'indépendance ombrageuse le détourna de chez elles. II fut pris en pension par un M. L..., mais le quitta bientot, chassé par la trop maigre chère et surtout par l’irritabilité de sa logeuse, dont il n’avait pas su, paraît-il, comprendre les avances.

C’était le moindre de ses soucis ; il avait fait du Louvre son séjour habituel, caressé par les primitifs, fasciné