Page:Marcel - J.-F. Millet, Laurens, nouv. éd.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

JEAN-FRANÇOIS MILLET. 13

par Mantegna, transpercé jusqu’au cœur par le pathétique d’un dessin de Michel-Ange. Nos artistes du XVIIe siècle, Lesueur, Lebrun, Jouvenet, lui semblèrent « très forts », mais Poussin, si profond , si philosophique, l’eut retenu sa vie durant. Si nos petits maîtres lui parurent maniérés et artificiels, la force épanouie de Rubens le charma, de même que l’ampleur noble des grands Vénitiens. Rembrandt l'intrigua, le troubla, mais il ne le pénétrait pas encore. Au Luxembourg, le lyrisme orageux de Delacroix le rendait insensible à tout le reste. Il ne laissait pas de faire, tout en lisant Vasari a ses moments perdus, des démarches pour être admis dans un atelier en vogue. Il entra enfin chez Paul Delaroche. Il y fut isolé et incompris, une sauvagerie un peu bourrue écartait de lui les sympathies ; son maître sc montra indécis à son égard : parfois attiré par la spontanéité de vision dont témoignaient ses essais, la brutalité du métier le rebutait bien vite.

Entre temps, Millet, logé rue d’Enfer, faisait le portrait des domestiques, du charbonnier, des concierges, et, l’argent faisant defaut pour sa cotisation à l’atelier, cessait d’y fréquenter. Delaroche, qu'il intéressait néanmoins, lui fit secrètement remise des frais. Un mot de ce dernier vers cette époque, que rapporte Sensier, atteste qu’il entrevoyait une des grandes originalités du futur auteur des Glaneuses. Comme un de ses camarades le malmenait en disant : « Le voilà encore qui fait du chic et qui invente ses muscles ! » Delaroche, qui entrait,