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Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/62

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CHRONIQUES

« pour que sa Loute ait vu la tour Eiffel ». Et parfois, au cœur du bois de Boulogne, d’une allée écartée, dans les brouillards du matin, « Retenant de la main son collie qui s’effare », suivie et précédée d’une meute hurlante, on voit déboucher la comtesse et sa blanche beauté pareille à celle de l’indifférente Artémis, que le poète nous a montrée dans le même équipage :

C’est l’heure où par la ronce et l’herbe,
Au milieu des molosses, … superbe,
Invincible, Artémis épouvante les bois.

Et comme ils faisaient trop de bruit à Paris et gênaient les voisins, elle est allée à Auteuil. Mais « son petit troupeau » l’a suivie. Tous ses fidèles, la duchesse de Luynes douairière, Mme de Brantes, la marquise de Lubersac, la marquise de Castellane, la comtesse de Guerne, la grande cantatrice que je ne fais que citer aujourd’hui, la marquise de Ganay, la comtesse de Béarn, la comtesse de Kersaint, M. Dubois de l’Estang, le marquis du Lau, un de ces hommes de premier ordre, que les vicissitudes de la politique ont seules empêché de servir au premier rang et de briller aux premières places, le charmant duc de Luynes, le comte Mathieu de Noailles, dont le duc de Guiche vient d’exposer au Salon un portrait superbe de distinction et de vie ; le comte de Castellane (dont nous avons déjà parlé à propos du salon de Mme Madeleine Lemaire et dont nous aurons à reparler bientôt), le marquis Vittelleschi, M. Widor, enfin M. Jean Béraud dont nous avons déjà dit dans ce même salon de Mme Madeleine Lemaire la gloire, le talent, le prestige, le charme, le cœur, l’esprit — tous iraient jusqu’au