Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/189

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nuit en coton qu’il portait prenait alors feu sur le cou et s’enflammait sur sa tête. Chaque fois que cet incident survenait, Kant se conduisait avec grande présence d’esprit ; sans se soucier de la douleur, il saisissait le bonnet flambant, le tirait de sa tête, le déposait tranquillement à terre et éteignait les flammes sous ses pieds. Pourtant, comme cet acte mettait sa robe de chambre en un dangereux voisinage avec les flammes, je changeai la forme de son bonnet, lui persuadai de disposer différemment les chandelles et fis constamment placer près de lui un grand vase plein d’eau. De cette façon je prévins un danger qui, autrement sans doute, lui aurait été fatal.

Les sorties impatientes que j’ai décrites au sujet du café donnèrent raison de craindre qu’à mesure que les infirmités de Kant augmenteraient, il s’élevât en lui un caprice général et une obstination d’humeur. Voilà pourquoi, autant pour moi que pour lui, je me fis une règle pour ma conduite future dans sa maison, qui était qu’en aucune occasion je ne laisserais intervenir le respect que j’avais pour lui avec l’expression la plus ferme de ce qui me paraîtrait être une opinion juste en tout ce qui concernait sa santé, et que dans les cas de grande importance, je ne céderais nullement à ces caprices particuliers, et que j’insisterais non seulement sur mon point de vue, mais encore sur la mise en pratique de mon point de vue, et que si je rencontrais un refus, je quitterais la place sur-le-champ, afin de ne point encourir la responsabilité du bien-être d’une personne que je n’aurais point le pouvoir d’influencer.

C’est cette conduite qui me gagna la confiance