Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/256

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Et de ses noires sœurs dont les gorges cuivrées,
Tressaillaient aux baisers d’un guerrier triomphant,
Quand elles se pâmaient sous l’amour, enivrées
Du pénétrant parfum des tempes d’éléphant.

Au lieu de l’air piquant des montagnes natales
Où l’aurore allumait ses couronnes de feux
Corolles de lumière aux bleuâtres pétales
Dont la rose lueur éblouissait les yeux,
Toutes trois respiraient des parfums, consumées
Par l’ennui languissant des plaisirs sensuels
Et regardaient monter les tremblantes fumées
Que leurs lèvres soufflaient en jets continuels.

Mais le sultan froissa la tenture irisée,
De ses ongles raya le poil blanc du chameau,
Passa ses doigts ornés dans sa barbe frisée,
Caressa doucement son poignard au pommeau,
Hésita près du corps de la noire amoureuse,
Sur la blonde fixa ses longs regards ardents,
Et comme, en rougissant, elle fuyait, peureuse,
Prit la brune, et, fiévreux, la baisa jusqu’aux dents.

16 Avril 1888.

Rondeau

Ta bouche épanouie en fleur de paradis
Est le but des baisers que vers toi ma main lance,
Jusqu’à la mort je veux l’aspirer en silence
Et me bercer aux mots charmants que tu me dis !

Le doux chuchotement des arbres reverdis
Me semble un chant de rêve où l’amour se balance :