Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/259

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Et ses larmes roulaient en sanglantes rosées,
Jaillissant sous les cils parfumés de ses yeux
Comme un filet gonflé de leurs perles rosées,
Sa chevelure d’or tombait en plis soyeux.

Pendant qu’elle pleurait dans ses chairs cristallines,
Un nuage laiteux en panache fumait,
Fondant leur transparence en teintes opalines
Dont la neige mousseuse et légère écumait.

Et ses pâles cheveux aux couleurs effacées
Lentement noircissaient au creuset de la nuit,
Et l’or blond s’enfuyait de leurs teintes passées
Ainsi que l’or mourant d’une braise s’enfuit (36).

Ses veines se gonflaient de gouttes purpurines
Qui faisaient tressaillir ses nerfs en les baignant ;
Un souffle sensuel dilatait ses narines
Et le désir perçait son cœur d’un clou saignant.

La blonde déité qui pleurait diaphane,
En cachant ses yeux bleus de ses longs doigts nacrés,
Avait pris les cheveux d’une brune profane
Et sa chair inhabile à des gestes sacrés.

Ce n’était plus la chaste et mystique Marie
Eclairée du halo pur de la Trinité,
Mais c’était une fille amoureuse, qui crie
Et gémit de désir sur sa virginité.

Elle entendait monter de langoureuses plaintes
De la vasque profonde où la Terre planait ;
Le soupir attiédi des premières étreintes
En effluve d’amour vers sa bouche émanait.