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Un soir d’orage en relevant nos fleurs,
Sur les buissons je vis errer sa flamme ;
Pour moi, Trilby ranimait leurs couleurs ;
Dans leurs parfums j’ai respiré son âme.
Son âme a fui, l’été s’endort ;
Sur les buissons Trilby ne daigne plus descendre,
Et la fleur qui m’apprend mon sort
N’est déjà plus qu’un peu de cendre.

Dieu l’a voulu. Soumise à mon devoir,
Je l’ai banni de notre humble chaumière,
Et, malgré moi, je cherche à l’entrevoir,
Dès qu’au château brille un peu de lumière.
Je n’y vois plus, mon cœur s’endort ;
Fermé sur lui, l’espoir ne peut plus y descendre,
Et ce cœur qui brûla si fort
Trilby ! Troubleras-tu sa cendre ?

Adieu, Trilby ! Sous des lambris dorés,
Tu n’entends plus si mon âme t’appelle ;
Une autre femme, à ses pieds adorés,
Te tient captif : on dit qu’elle est si belle !
Sois heureux ! Ma plainte s’endort ;
De mes lèvres ton nom peut à peine descendre ;
Mais ce nom que j’aimai si fort ;
Qui le tracera sur ma cendre ?

(Après avoir lu la nouvelle : Trilby,
de Charles Nodier.)          
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