Page:Marceline Desbordes-Valmore - Poèmes inédits, 1946 (Revue Lettres).pdf/6

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Ô grandeur ! Ô Dieu mort qui pour nous étiez né !
J’y penserai toujours. Toujours, morte ou blessée,
J’aurai sur cette croix ma mémoire enlacée.
Dieu d’amour, si l’amour sauve tout de l’enfer,
Bénissez votre peintre, il a beaucoup souffert.


TRILBY
OU LE LUTIN D’ARGAÏL


Ce doux lutin qu’il me faut oublier,
Qui fit ensemble et ma joie et mon crime,
Ne viendra plus au bord de mon foyer
Baiser les pleurs de sa chère victime.
Il pleut, j’ai froid ; le feu s’endort ;
Sur mes genoux Trilby ne daigne plus descendre.
Mon Dieu ! ne pleurons pas si fort…
S’il était caché sous la cendre !

Qu’il était triste et charmant, ce lutin,
Quand il pleurait d’amour à mon oreille ;
Quand de mon rêve il sortait le matin,
En murmurant comme une femme abeille.
Sans m’endormir le jour glisse et s’endort ;
Sur mon sommeil Trilby ne daigne plus descendre…
Trilby !… N’appelons pas si fort…
Hélas ! s’il dormait sous la cendre !

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