Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/144

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groupes serrés offraient un but plus sûr aux traits des assiégeants. La nuit seule mit fin au carnage, qui fut égal de part et d’autre ; et le jour suivant, au son des trompettes, la lutte recommença plus furieuse, avec égal acharnement de part et d’autre, et même effusion de sang.

(7) Le troisième jour, une suspension fut convenue de commun accord ; car la terreur était réciproque sur les remparts et dans le camp des Perses. En ce moment le pontife supérieur de la loi chrétienne fait signe des remparts qu’il veut sortir, et, obtenant un sauf-conduit, se fait mener à la tente du roi.

(8) Invité à s’expliquer librement, il demande, dans les termes les plus conciliants, que les Perses se retirent. Assez de vies ont été sacrifiées de part et d’autre ; de nouveaux malheurs sont à craindre, et peut-être imminents. Mais son insistance ne put rien obtenir. Le monarque, ivre de fureur, ne tint compte d’aucun de ses conseils, et jura de ne se retirer qu’après l’entière destruction de la ville.

(9) Un bruit que, pour ma part, je crois sans fondement, bien qu’il ait eu plus d’un écho, accuse l’évêque d’avoir secrètement révélé à Sapor quels côtés de la place présentaient à l’intérieur moins de défense, et à l’attaque plus de chances de succès. Ce qui donna consistance à ce propos, c’est que de ce moment, et avec un air de triomphe, les ennemis dirigèrent tout l’effort de leurs machines contre les endroits faibles, avec l’intelligence et le discernement de gens sûrs de leur fait.

(10) Sans compter les obstacles que présentait, vu la difficulté des chemins, l’accès de la muraille, et la peine infinie qu’éprouvaient les Perses à se servir du bélier, sous une grêle de flèches et de pierres lancées à la main, les balistes et les scorpions ne cessaient de les accabler d’énormes javelots et de quartiers de rocs. On leur envoyait aussi des paniers remplis de poix ardente et de bitume, dont le liquide enflammé, coulant le long des machines de guerre, les attachait au sol comme si elles eussent pris racine ; tandis que des milliers de torches et de brandons jetés du haut des murs achevaient de les consumer.

(11) Mais, en dépit de tant d’efforts et des pertes sérieuses qui en résultaient pour eux, les assiégeants, persuadés que la rage de leur monarque ne s’apaiserait pas à moindre prix, s’obstinaient dans la résolution de s’assurer avant l’hiver la possession d’une place si bien défendue par l’art et la nature.

(12) Rien ne les rebutait, ni la vue du sang ni l’atrocité des blessures. Ils se battaient en désespérés, et bravaient la mort de gaieté de cœur. Mais déjà paralysés par la chute des blocs de pierre et par une pluie de matières inflammables, les béliers ne pouvaient plus se mouvoir

(13) lorsqu’un de ces formidables engins, plus fortement construit que les autres, et qu’un revêtement de cuir frais mettait à l’épreuve des traits et des flammes, parvint, après des efforts incroyables, à se pousser en avant et à s’établir au pied du mur. Son action puissante eut bientôt entrouvert les flancs d’une tour qui finit par s’écrouler avec un fracas horrible, entraînant, précipitant, ensevelissant sous ses ruines tous ses défenseurs. Sa chute ouvrait une voie facile à l’escalade : l’ennemi s’y porte en foule.

(14) Aussitôt de sauvages hurlements retentissent dans la ville envahie ; une