Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/147

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Dans cet arrangement réclamé par la raison, ce que je veux par-dessus tout, c’est que la vôtre soit satisfaite ; et je n’en serai que plus empressé à exécuter vos commandements.

(13) Voici en peu de mots comme je comprends nos obligations réciproques. Je vous fournirai des chevaux de trait d’Espagne, et des contingents formés tant de jeunes Lètes, peuplade en deçà du Rhin, que de volontaires de l’autre rive, propres les uns et les autres à recruter les corps des scutaires et des gentils. J’en prends l’engagement à vie, et le remplirai avec plaisir, avec bonheur.

(14) De votre côté, votre sollicitude pour moi me désignera pour préfets du prétoire des hommes de probité et de talent. Quant aux autres magistrats civils et aux chefs militaires, il convient de m’en laisser le choix, ainsi que celui de mes gardes. Il serait vraiment absurde à un prince de confier, pouvant faire autrement, sa personne à tel dont les dispositions et la moralité lui seraient inconnues.

(15) La persuasion ni la force (je crois pouvoir l’affirmer) n’obtiendront des Gaules l’envoi de leurs recrues dans de lointains parages. Cette contrée a été trop longuement, trop cruellement éprouvée. Lui enlever sa jeunesse valide serait lui porter le dernier coup, par la réminiscence de ce qu’elle a souffert, et par l’anticipation de ce qui lui serait encore réservé.

(16) Serait-il bien politique d’ailleurs, dans la seule vue de nous renforcer contre les Parthes, de dégarnir ici complètement notre ligne de défense ? Cette province n’est encore rien moins qu’à l’abri d’invasions ultérieures ; et, pour dire les choses comme elles sont, c’est elle qui, désolée depuis si longtemps, aurait besoin d’être secourue, et énergiquement secourue.

(17) Je vous écris dans notre intérêt commun ; prenez ce peu de mots comme conseil ou comme prière. Sans m’élever jusqu’au ton qu’autoriserait ma dignité présente, je vous rappellerai seulement qu’en bien des circonstances le bon accord entre les princes, et des concessions réciproques, ont rétabli les affaires les plus désespérées. L’histoire en fait foi : ceux de nos aïeux qui ont mis ce principe en pratique ont trouvé par là le moyen de rendre leur règne heureux, et leur mémoire honorée et chérie. "

(18) Avec cette lettre officielle, il en fit secrètement tenir à Constance une autre des plus mordantes, et pleine de reproches amers. Mais la teneur de cette pièce est restée un mystère ; et celui qui l’aurait pénétré ne pourrait le rendre public sans une coupable indiscrétion.

(19) Julien confia cette commission à deux hommes graves, Pentadius, maître des offices, et le grand chambellan Euthère. Ils devaient, après la délivrance de la missive, lui rendre un compte exact de tout ce qu’ils auraient vu, et prendre conseil des circonstances.

(20) Les propos tenus, depuis sa désertion, par le préfet Florence, vinrent encore envenimer l’aigreur de ces premiers rapports. À l’entendre, il avait bien prévu la perturbation qu’allait exciter l’ordre de départ des troupes ; et l’intérêt du service des subsistances, qu’il avait fait valoir près de Julien comme appelant la présence du préfet à Vienne, n’était qu’un prétexte pour fuir le ressentiment qu’il s’était attiré par l’indépendance de son langage.

(21) Quand Florence