Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/157

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dit Aristote, sont véridiques et irrécusables lorsqu’on dort profondément, la prunelle fixe, et sans déviation du rayon visuel.

(13) Mais le vulgaire ignorant va s’écrier : Si l’on peut lire dans l’avenir, comment ignore-t-on que l’on doit périr dans une bataille, ou que tel autre malheur vous attend ? Un mot suffit pour répondre. S’il arrive qu’un grammairien fasse une faute de langue, qu’un musicien joue faux, qu’un médecin se trompe de remède ; est-ce à la grammaire, est-ce à la musique, est-ce à la médecine qu’on va s’en prendre ?

(14) On peut encore citer cette parole de Cicéron, où, comme toujours, éclate sa raison supérieure : "Nous recevons d’en haut des signes de ce qui croit arriver. Si l’on s’y trompe, c’est la faute de l’intelligence humaine, et non celle des dieux." Mais toute digression doit être courte, sous peine d’être fastidieuse. Revenons au sujet.

Chapitre II

(1) À Paris, un jour, Julien, qui n’était encore que César, se livrait dans le champ de Mars à quelque exercice militaire. Son bouclier, sur lequel il frappait, se disloqua, et il ne lui en resta dans la main que la poignée, qu’il tint ferme. Les assistants paraissaient alarmés de cet incident, qu’ils prenaient comme un mauvais présage : "Rassurez-vous, leur dit Julien, je n’ai pas lâché prise."

(2) Plus tard, étant à Vienne, il venait, une nuit, de s’endormir, après un souper frugal, lorsqu’il crut voir au milieu des ténèbres un brillant fantôme, qui lui adressa et lui répéta plusieurs fois ces quatre vers grecs : "Lorsque Jupiter sera près de sortir du Verseau, et que Saturne sera monté au vingt-cinquième degré de la constellation de la Vierge, Constance, empereur d’Asie verra terminer ses jours par une mort triste et douloureuse."

(3) Cette allocution lui inspira une confiance à l’épreuve de tout ce que lui réservait l’avenir. Il résolut cependant de ne rien aventurer, mais de prendre avec calme et réflexion les mesures commandées par les circonstances, s’appliquant surtout à augmenter par degrés ses forces, et à mettre son état militaire au niveau de son nouveau rang.

(4) Il avait depuis longtemps renoncé au christianisme, et, comme tous les adorateurs des anciens dieux, se livrait aux pratiques des augures et des aruspices ; ce qui n’était su que d’un petit nombre de confidents intimes.

(5) Du secret effectivement dépendait sa popularité. Aussi feignait-il de rester attaché à ce culte ; et pour mieux dissimuler son changement il alla jusqu’à se montrer dans une église le jour de la fête appelée Épiphanie, que les chrétiens célèbrent dans le mois de janvier, et se joignit ostensiblement aux prières publiques.

Chapitre III

(1) Dans les premiers jours du printemps Julien reçut une affligeante nouvelle. On l’informait que des Alamans appartenant au canton de Vadomaire, dont il croyait, depuis le traité, n’avoir plus à redouter d’insulte, ravageaient les frontières de la Rhétie, et envoyaient des partis piller de tous côtés.

(2) Fermer l’œil sur ces déprédations, c’était amener le réveil de la guerre. Julien envoya sur ce point le comte Libinon avec les Pétulants et les Celtes, qui hivernaient autour de lui, chargeant cet officier de rétablir l’ordre.

(3) Libinon approchait de la ville de Sanction