Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/179

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s’étaient propagés au dehors. Le désordre eût été moins grave sans la contagion de l’exemple.

(3) Certains commensaux de cette demeure, engraissés de la dépouille des temples, s’étaient fait de la spoliation une habitude, et flairaient, pour ainsi dire, toute occasion de lucre. Parvenus sans transition de l’extrême pénurie au dernier degré de l’opulence, ils pillaient, dépensaient, prodiguaient sans frein et sans mesure.

(4) L’infection gagna de proche en proche les mœurs publiques. De là le mépris si commun de la foi jurée et de l’estime des autres ; cette passion du gain qui veut se satisfaire, même au prix de toute souillure ;

(5) ces sommes prodigieuses englouties, engouffrées dans le luxe des festins. La table eut ses triomphateurs, comme autrefois la victoire. À cette époque appartient l’usage immodéré des tissus de soie ; les primes décernées à la perfection d’une étoffe, aux raffinements de la science culinaire ; et le faste des ameublements, et les vastes proportions des demeures. Si le champ de Cincinnatus eût égalé en superficie le sol d’une seule de ces habitations, où serait l’honneur de cette noble pauvreté après la dictature ?

(6) À ce tableau de corruption ajoutez la dissolution de la discipline militaire, les airs lascifs répétés au lieu de chants guerriers, la pierre servant jadis d’oreiller au soldat échangée contre le duvet de la couche la plus molle, sa coupe à boire plus pesante que son épée ; des vases de terre il n’en voulait plus, il lui fallait des palais de marbre. Et nous lisons dans l’histoire qu’un Spartiate fut vivement réprimandé seulement pour avoir mis le pied sous un toit en temps de guerre.

(7) Féroce et rapace envers ses concitoyens, le Romain était devenu lâche et mou devant l’ennemi. Gâté par le loisir, perverti par les largesses, en revanche il était grand connaisseur en fait d’or et de pierreries.

(8) Et cependant le temps n’était pas loin où un simple soldat de César Maximien, trouvant, dans le pillage du camp des Perses, un petit sac de peau rempli de perles, fut assez simple pour en jeter le contenu, se contentant de l’enveloppe, dont la fourrure l’avait séduit.

(9) L’empereur un jour voulait se faire couper les cheveux. Il voit entrer un personnage somptueusement vêtu. Julien s étonne, "C’est un barbier, dit-il, que j’ai demandé, et non un homme de finance." Il questionne toutefois cet individu sur ce que lui valait son emploi : "Vingt rations de table par jour, répondit celui-ci ; autant de rations de fourrage ; un bon traitement annuel, sans compter plus d’un accessoire assez lucratif."

(10) Julien prit de l’humeur, et chassa toute cette clique, aussi bien que tous les cuisiniers et autres, qui s’étaient mis sur le même pied, et dont il n’avait que faire ; leur disant de chercher fortune ailleurs.

Chapitre V

(1) Dès son enfance il avait eu pour le culte des dieux un penchant qui ne fit que s’accroître avec l’âge. Tant qu’il eut des ménagements à garder, il ne s’y livra qu’en s’entourant du plus grand mystère.

(2) Mais une fois débarrassé de cette contrainte, et libre enfin d’en agir à sa volonté, il mit au grand jour le secret de sa conscience. Par des édits clairs et formels il enjoignit de rouvrir les temples, et d’offrir de nouveau des victimes aux autels abandonnés.

(3) Pour assurer l’effet de ces dispositions, il convoqua au palais tous les évêques divisés entre eux de doctrine,