Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/181

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à courir à sa rencontre fort en avant du vestibule, l’embrassa, et l’introduisit avec une sorte de respect dans la salle des séances. Démonstration déplacée, et qui dénotait en lui la recherche d’une fausse gloire. Apparemment Il avait oublié le mot de Cicéron sur ce travers d’esprit :

(4) "Ces mêmes philosophes ne laissent pas de mettre leur nom à leurs traités du mépris de la gloire, voulant être loués et glorifiés de leurs efforts même pour inspirer ce mépris."

(5) Peu de jours après, deux intendants, compris dans l’expulsion des officiers du palais, vinrent en secret proposer à Julien de lui révéler la retraite de Florence, pourvu qu’il consentît à les réintégrer dans leurs fonctions. Il repoussa l’offre avec mépris, et les traita de vils délateurs, ajoutant qu’il serait indigne d’un empereur d’user de pareils moyens pour s’assurer d’un homme qui ne se cachait que par peur de la mort, et que l’espoir de trouver grâce engagerait peut-être à ne pas se cacher plus longtemps.

(6) Julien avait alors près de lui Prétextat, beau caractère, sénateur de l’ancienne Rome. Le hasard le lui avait présenté à Constantinople, où l’appelaient ses affaires privées ; et le prince l’avait, de son propre choix, nommé proconsul d’Achaïe.

(7) L’attention que Julien apportait à ses réformes dans l’administration civile ne lui faisait pas perdre de vue les intérêts militaires. Il ne confiait les commandements qu’à des chefs éprouvés par de longs services, relevait par toute la Thrace les fortifications en ruines, et veillait avec la plus active sollicitude à ce que les postes distribués sur la rive droite de l’Ister, et qu’il savait faire bonne et sûre garde contre les entreprises des barbares, ne manquassent ni d’armes, ni d’habits, ni de solde, ni de vivres.

(8) Tandis qu’il se multipliait pour suffire à tant de soins, et imprimait l’activité de son esprit à tous les ressorts de l’État, on lui conseilla une expédition contre les Goths de la frontière, qui nous avaient donné tant de preuves de leur mauvaise foi et de leur perfidie. Mais il voulait, répondit-il, des adversaires d’une autre trempe. À l’égard de ceux-ci, on n’avait qu’à laisser faire les marchands galates, qui les vendaient à tant par tête, sans regarder à la condition des individus.

(9) La renommée cependant proclamait à l’étranger son courage, sa tempérance, ses talents militaires ; et de proche en proche son nom, éveillant l’idée de toutes les vertus, faisait le tour du monde.

(10) Un sentiment de crainte respectueuse se communiqua des peuples voisins aux nations les plus éloignées. De tous côtés, et coup sur coup, arrivaient des ambassades. Il en vint pour négocier la paix avec lui, de l’Arménie et des contrées au- delà du Tigre. Des extrémités de l’Inde, jusqu’à Dib et Serendib, partirent à l’envi des députations chargées d’offrandes. Les plages australes de la Mauritanie sollicitèrent la faveur d’être reconnues dépendances de l’empire. Enfin au nord et au levant, les peuples riverains du Bosphore, et de la mer qui reçoit les eaux du Phase, offrirent en suppliants un tribut annuel, pour acheter la permission de continuer à vivre sur le sol qui les avait vus naître.

Chapitre VIII

(1) Le récit des événements où se trouve mêlé le nom de ce grand prince nous ayant amené à faire mention des régions éloignées de la Thrace et des rives du Pont-Euxin, il n’est pas