Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avait été fait hommage d’un lion et d’un sanglier tués avec les mêmes circonstances, et qu’il n’en était pas moins revenu victorieux. Ils ne songeaient pas que c’était l’assaillant qu’un malheur menaçait, suivant le présage ; et que Narsès avait pris l’initiative des hostilités contre l’Arménie, qui obéissait alors aux Romains.

(12) Le jour suivant, qui était le 7 des ides d’avril, vers le coucher du soleil, un léger nuage, qui se montrait à l’horizon, tout à coup se condensa et s’étendit au point de produire une obscurité complète. Les éclairs, le tonnerre se succédaient avec la rapidité la plus effrayante ; et un soldat, nommé Jovin, fut frappé de la foudre avec deux chevaux qu’il menait boire dans le fleuve.

(13) Les interprètes consultés déclarèrent que c’était un nouvel avertissement de renoncer à l’entreprise ; que le signe était conseiller (ils qualifient de signes conseillers ceux dont on tire une décision positive ou négative), et digne surtout d’attention en ce que l’individu frappé était porteur d’un grand nom, et que les chevaux étaient bêtes de combat. Ils ajoutaient que les mêmes livres prononcent l’interdiction des lieux où la foudre est tombée une fois.

(14) Les philosophes, de leur côté, soutenaient que cette combustion spontanée n’avait rien que de naturel ; que c’était simplement une émanation du feu céleste se précipitant sur la terre ; et que l’unique induction à en tirer, si l’on voulait y attacher une signification de choses futures, était qu’un prochain accroissement de gloire dériverait pour l’empereur de son entreprise, attendu la tendance connue de la flamme à s’élever, en dépit de tout obstacle.

(15) Après avoir vu terminer le pont et défiler ensuite ses troupes, Julien n’eut rien de plus pressé que de haranguer cette armée, dont l’allure intrépide annonçait toute sa confiance dans son chef. À l’appel du clairon se rassemblent aussitôt centuries, cohortes et manipules. Lui, monté sur un tertre et entouré de ses principaux officiers, d’un visage serein qui répondait aux sympathies de la multitude, leur adresse à peu près ce discours :

(16) "Braves guerriers, votre général, en contemplant avec orgueil ces corps vigoureux, ces mines fières et résolues, ne peut se défendre de vous adresser quelques mots de satisfaction. On a voulu vous persuader que jamais jusqu’ici armée romaine n’avait pénétré en Perse : des faits nombreux donnent le démenti à ces suppositions malveillantes. Sans parler de Lucullus, sans parler de Pompée, dont les armes, victorieuses de l’Albanie, ont forcé le pays des Massagètes que nous appelons les Alains, et visité la mer Caspienne, un lieutenant d’Antoine, Ventidius, a plus tard versé des flots de sang ennemi dans toutes ces contrées.

(17) Mais laissons là l’antiquité : ce sont des faits reçus que je vais remettre sous vos yeux. Trajan, Vérus et Sévère ont rapporté de ces régions des palmes et des trophées. Un retour non moins éclatant était réservé au jeune Gordien, dont nous voyons d’ici le mausolée. Il battit et mit en fuite le roi de Perse près de Resaine. Mais la trahison impie du préfet du prétoire Philippe, secondé par une poignée de scélérats, mit fin à ses jours au lieu même où s’élève aujourd’hui son tombeau. Ses mânes n’ont pas longtemps erré sans vengeance. Comme si la justice elle-même fût intervenue pour les punir, tous les conjurés