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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/219

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faire de l’eau debout, ou même s’écarter, quand on le voit, pour satisfaire un autre besoin de nature, si loin sont poussées chez eux les susceptibilités de la pudeur.

(80) À la nonchalance de leur démarche, au laisser-aller de leurs membres, on les dirait efféminés ; eux guerriers si redoutables. À vrai dire, cependant, ils ont plus d’astuce encore que de vaillance, et c’est de loin surtout qu’ils sont à craindre. Ils sont grands faiseurs de forfanteries et de rodomontades, ont la parole pompeuse, ampoulée, dure et menaçante, indifféremment dans la bonne ou la mauvaise fortune. Rusés, fiers, cruels, s’arrogeant le droit de vie et de mort sur leurs esclaves et sur les plébéiens obscurs, ils n’hésiteront pas à faire écorcher vif un homme, ou en partie, ou de la tête aux pieds. Ceux qui les servent à table n’osent desserrer les dents ni souffler ; toutes les bouches sont bâillonnées.

(81) Chez eux la loi s’environne de terreur. Celle qui punit l’ingratitude et la désertion est particulièrement atroce. Ils en ont d’abominables, des lois qui rendent toute une famille solidaire pour un de ses membres.

(82) Mais ils n’élèvent aux fonctions judiciaires que des hommes intègres et instruits, qui n’ont pas besoin d’être soufflés, et ils se raillent impitoyablement de nos tribunaux, où le magistrat ignorant ne peut se passer d’avoir derrière lui un assesseur disert et légiste. Quant à couvrir de la peau du juge prévaricateur le siège que son successeur doit occuper, si le fait n’est d’invention pure, l’usage a dès longtemps cessé.

(83) Tant de leçons qu’ils ont reçues de nous en fait de discipline et de tactique, et l’adoption de nos manœuvres et de nos exercices militaires, les ont rendus redoutables même en bataille rangée. lls comptent surtout sur leur cavalerie, où tout ce qu’ils ont de noble et de distingué vient faire ses preuves. Quant à leurs fantassins, qu’ils arment à la manière de nos myrmillons du cirque, ce sont les valets de l’armée. Cette troupe, vouée pour toujours à l’esclavage, sert sans solde ni rétribution quelconque. Cette nation, par son courage et les progrès qu’elle a faits dans l’art de la guerre, aurait porté plus loin encore ses succès, sans les discordes civiles dont elle est incessamment travaillée.

(84) Les Perses en général multiplient dans leurs vêtements les couleurs tranchantes. Leur habit dérobe toute la personne de la tête aux pieds, bien que laissant passage à l’air sur la poitrine et sur les flancs. Ils portent des colliers et des bracelets d’or enrichis de pierreries, et surtout de perles. C’est une mode qu’ils ont prise depuis la défaite de Crésus et la conquête de la Lydie.

(85) Il me reste un mot à dire de cette précieuse substance, si commune dans le pays. La perle se trouve dans l’intérieur d’une espèce d’huître blanche et forte, sur les côtes de l’Inde et de la Perse ; et sa formation est due à la rosée qui s’introduit dans le coquillage à certaines époques de l’année. L’huître bâille au clair de lune comme pour frayer, et reçoit ainsi le serein qui la féconde. Elle engendre alors tantôt deux, tantôt trois petites perles. On trouve aussi, mais plus rarement, à l’ouverture des écailles, une perle solitaire, plus grosse, et que, par suite, on appelle union.

(86) La preuve que les perles sont de substance éthérée, et non un produit marin, c’est que de la rosée du matin elles naissent limpides et parfaitement