Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/27

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la politique vigilante des anciens possesseurs y a élevé nombre de châteaux et de forteresses, en choisissant avec discernement les meilleurs points de défense. On y compte aussi des villes considérables ceintes de fortes murailles, telles que Bostra, Gérasa et Philadelphie. L’empereur Trajan, durant son heureuse et brillante expédition contre les Parthes, donna plus d’une sévère leçon à l’orgueil des Arabes, et, finalement, soumit le pays à nos lois, après l’avoir constitué en province romaine, et lui avoir donné un gouverneur.

Un large bras de mer sépare l’île de Chypre du continent. Elle a d’excellents ports, et compte un grand nombre de villes municipales. Les plus renommées sont Salamine et Paphos, l’une par le culte de Jupiter, l’autre par son temple consacré à Vénus. Toutes choses y abondent à ce point que l’île, avec ses ressources propres et locales, et sans rien tirer du sol ni de l’industrie d’autres contrées, peut construire un navire de charge, de la quille à l’extrémité de la mâture, et le mettre à la mer muni de tous ses agrès. En s’emparant de ce pays, je ne crains pas de le dire, Rome a montré plus d’avidité que d’esprit de justice. Ptolémée, qui y régnait, avait pour lui notre alliance, la foi des traités. Proscrit sans qu’on eût un seul reproche à lui faire, et uniquement parce que notre trésor avait des besoins, ce prince termine volontairement ses jours par le poison et voilà l’île rendue tributaire, comme on fait d’un ennemi vaincu, et ses dépouilles transportées à Rome sur les vaisseaux de Caton. Mais reprenons l’ordre des faits.

IX. Au milieu de la série de catastrophes que nous avons retracée plus haut, Ursicin, qui commandait à Nisibe, et sous les ordres duquel j’avais été placé par la volonté expresse de l’empereur, se voit tout à coup mandé à Antioche, et chargé, malgré lui, de présider l’instruction meurtrière qui allait s’ouvrir. Il obéit, mais en protestant à chaque pas, et ne cessant de faire tête à cette meute adulatrice qui aboyait autour de lui. Comme militaire, Ursicin était homme de tête et d’action ; mais personne n’était moins capable de diriger une procédure. Alarmé sur ses propres périls en voyant quels gens lui étaient associés dans cette mission, accusateurs ou juges, tous sortis de la même caverne, il prit le parti de faire un secret rapport à Constance de tout ce qui se passait ostensiblement ou dans l’ombre, implorant de lui les moyens de tenir en bride chez Gallus cette fougue dont il ne connaissait que trop les écarts. Mais, ainsi que nous le verrons plus tard, cette précaution même fit donner Ursicin contre un écueil plus dangereux. Il avait des envieux qui ourdissaient trame sur trame pour le compromettre auprès de Constance ; caractère, en général, assez modéré, mais trop enclin à prêter l’oreille aux confidences du premier venu, et qui devenait alors cruel, implacable, et tout à fait différent de lui-même.

Au jour marqué pour les sinistres interrogatoires, le maître de la cavalerie, vrai simulacre de juge, prend place au milieu d’assesseurs dont chacun avait sa leçon faite d’avance. Plusieurs notaires assistaient, commodément placés pour recueillir les questions et les réponses, et couraient aussitôt les rapporter à César. Cachée derrière une tapisserie, la reine prêtait une oreille avide aux débats ; et les féroces injonctions de l’un, les incessantes provocations de l’autre, furent la perte de plus d’un accusé, à qui l’on ne