Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/303

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pour être complet, devait comprendre dans son développement le mont Pirus, situé sur le territoire barbare, il prit le parti d’y construire encore un fort. Et comme la célérité était pour beaucoup dans la réussite, il fit donner par le notaire Syagrius, depuis préfet et consul, l’ordre au duc Arator de s’emparer de ce point avant que le projet fût éventé.

(6) Le duc se transporte immédiatement sur le terrain, accompagné de Syagrius. Mais au moment où il faisait commencer les terrassements par les soldats qu’il avait amenés, arrive Hermogène qui le remplace. Au même instant parurent quelques Alamans de distinction, les pères des otages que nous avions reçus comme gages les plus sûrs de la durée de la paix.

(7) Ceux-ci supplièrent à deux genoux les nôtres par ce respect des traités, gloire immortelle du nom romain, de ne pas se laisser entraîner si imprudemment à fouler aux pieds la foi jurée ; mais leur protestation fut vaine.

(8) Voyant qu’on ne les écoutait pas, et perdant tout espoir d’une réponse favorable, ils se retirèrent, pleurant d’avance la mort de leurs enfants. À peine avaient-ils disparu, qu’un corps de barbares, qui apparemment attendait le résultat de la conférence, s’élança d’un pli caché de la montagne, tomba sur nos soldats, qui s’étaient dépouillés de leurs armes pour travailler plus à l’aise, et les massacra jusqu’au dernier, y compris les deux chefs.

(9) Il ne resta pour porter la nouvelle que Syagrius. Mais le prince furieux, le voyant revenir seul à la cour, le destitua de sa charge et le renvoya dans ses foyers, sans doute pour le punir d’avoir pu survivre au désastre commun,

(10) La Gaule à cette époque fourmillait de bandits qui faisaient un mal affreux. Ils se portaient sur les routes les plus fréquentées, attaquant sans hésiter quiconque promettait une riche dépouille. Parmi leurs nombreuses victimes je citerai le grand écuyer Constancien, qu’ils firent tomber dans un guet-apens, où il fut massacré, Il était parent de l’empereur, et cousin de Céréalis et de Justine.

(11) Bien loin de la Gaule, et comme si un brigandage universel eût été organisé par les Furies, les gens du bourg de Maratocypre près d’Apamée, les plus actifs des voleurs, et non moins redoutables par leur nombre que par l’intelligence qui dirigeait leurs entreprises, désolaient la Syrie par leurs déprédations. Sous l’habit de marchands ou d’officiers de l’armée, ils s’introduisaient un à un et sans bruit dans les maisons de ville et de campagne, et même dans les places fortes.

(12) Nul moyen de se prémunir contre leurs expéditions, qui jamais n’avaient de but fixe et arrêté d’avance. Ils partaient au hasard, et allaient s’abattre au loin comme un essaim porté par le vent. C’est ce même imprévu qui rend les irruptions des Saxons si dangereuses. Ces bandes ravissaient sans mesure et massacraient avec même fureur, n’ayant pas moins soif de sang que de butin. Je ne m’amuserai pas à détailler leurs nombreux stratagèmes : un exemple suffira pour en juger.

(13) Une troupe de ces scélérats, déguisés en officiers du fisc, un faux magistrat en tête, entre un soir, se faisant annoncer par la voix lugubre du crieur public, dans la magnifique demeure d’un