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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/305

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En un mot (comme il l’a dit lui-même dans son rapport), la province, arrachée aux mains de l’ennemi, était rendue à son état primitif, à sa domination légitime, et allait prendre désormais le nom de Valentia, qui reportait au prince tout l’honneur de ces grands résultats.

(8) Théodose expulsa les Arcani, dont l’institution remonte à nos ancêtres. Nous en avons dit quelques mots dans l’histoire de l’empereur Constant. La corruption s’était glissée insensiblement parmi eux. Ils furent convaincus d’avoir, par l’appât des promesses, et dans l’espoir de partager le butin, trahi plus d’une fois le secret de nos mesures ; tandis que leur rôle, le but de leurs excursions lointaines, était au contraire de nous avertir des mouvements de l’étranger.

(9) Après les glorieux résultats que nous venons de retracer, un ordre de la cour rappela Théodose de la province qu’il avait si supérieurement administrée. Il partit, couvert, comme Camille et Papirius Cursor, de lauriers aussi brillants que solides, laissant au pays le bonheur pour adieu, et accompagné jusqu’au port de témoignages universels d’amour et de reconnaissance. De là porté par un vent favorable, il fut bientôt rendu près de l’empereur, qui, après l’avoir accueilli avec transport et comblé d’éloges, lui conféra la maîtrise générale de la cavalerie, où il remplaça Valens Jovin.

Chapitre IV

(1) Assez longtemps l’abondance des matières a réclamé de ma part une attention exclusive aux choses du dehors. Je reprends le fil des événements intérieurs de Rome, en commençant par la préfecture d’Olybrius. L’administration de ce magistrat fut douce et tranquille. Esprit bienveillant par essence, il apportait le plus grand soin à ne blesser qui que ce fût par ses actes ou ses paroles. Jamais calomniateur ne trouva grâce devant lui. Il rogna de son mieux les ongles au fisc, sut se montrer habile autant qu’intègre dispensateur de la justice, et adoucir par les égards la condition des subordonnés.

(2) Un seul défaut fait ombre à tant de vertus, défaut, il est vrai, peu préjudiciable à la chose publique, mais qui entache cependant le caractère d’un homme d’État : Olybrius était dissipé dans son intérieur, trop livré au goût des spectacles et au plaisir des sens, sans l’aller chercher toutefois jusque dans les jouissances monstrueuses ou illégitimes.

(3) Après lui vint Ampélius, caractère non moins voluptueux. Natif d’Antioche, il avait été maître des offices, proconsul deux fois de suite, et, après un assez long intervalle, finalement appelé à la préfecture ; homme de mérite d’ailleurs, ayant en soi tout ce qui rend le pouvoir populaire, bien qu’assez rigide dans l’occasion. Et que n’a-t-il su l’être avec persévérance ! Un degré de fermeté de plus lui eût valu la gloire durable d’avoir réformé l’intempérance publique, et le penchant crapuleux de la population à la gourmandise.

(4) Il avait fait publier la défense d’ouvrir les cabarets, de vendre de l’eau chaude ou de la viande cuite avant la quatrième heure. Toute personne se respectant elle-même y était invitée à s’abstenir de manger dans la rue ;

(5) habitude ignoble, qui, sans parler d’autres pratiques encore plus hideuses, est arrivée, par la connivence de l’autorité, au dernier degré de cynisme. Épiménide de Crète lui- même, réalisant de nouveau son fabuleux retour à la vie, ne parviendrait pas à purger Rome de ces souillures ; tant le vice l’a profondément infectée de sa gangrène incurable !