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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/68

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ailleurs, sa volonté pour limite aux plaisirs de la multitude, laissant, selon l’usage ordinaire, dépendre des circonstances du spectacle la durée de la représentation.

Il parcourut tous les quartiers construits de plain-pied ou sur les flancs des sept montagnes, sans oublier même les faubourgs, croyant toujours n’avoir rien à voir au-dessus du dernier objet qui frappait ses yeux. Ici c’était le temple de Jupiter Tarpéien, qui lui parut l’emporter sur le reste autant que les choses divines l’emportent sur les choses humaines ; là les thermes, comparables pour l’étendue à des provinces ; plus loin la masse orgueilleuse de cet amphithéâtre dont la pierre de Tibur a fourni les matériaux, et dont la vue se fatigue à mesurer la hauteur ; puis la voûte si hardie du Panthéon et sa vaste circonférence ; puis ces piles gigantesques, accessibles jusqu’au faîte par des degrés, et que surmontent les effigies des princes ; et le temple de la déesse Rome, et la place de la Paix, et le théâtre de Pompée, et l’Odéon, et le Stade, et tant d’autres merveilles qui font l’ornement de ta ville éternelle.

Mais quand il fut parvenu au forum de Trajan, construction unique dans l’univers, et digne, suivant nous, de l’admiration des dieux même, il s’arrêta interdit, cherchant par la pensée à mesurer ces proportions colossales, qui bravent toute description et qu’aucun effort humain ne saurait reproduire. Convenant de son impuissance à rien créer de pareil, il dit qu’il voulait du moins élever un cheval à l’imitation de celui de la statue équestre de Trajan, placée au point central de l’édifice, et qu’il en tenterait l’entreprise. Près de lui se trouvait en ce moment le royal émigré Hormisdas, dont l’évasion de Perse a été racontée plus haut. Il répondit à l’empereur, avec toute la finesse de sa nation : « Commencez, sire, par bâtir l’écurie sur ce modèle, afin que votre cheval soit aussi commodément logé que celui que nous voyons ici. » On demandait à ce même Hormisdas ce qu’il pensait de Rome : « Ce qui m’en plaît, dit-il, c’est qu’on meurt ici comme ailleurs. »

Au milieu de la stupéfaction dont le frappait cette réunion de prodiges, l’empereur se récriait contre l’insuffisance ou l’injustice des rapports de la renommée, si justement suspecte d’exagération en toute autre circonstance, et si fort au-dessous de la réalité dans tout ce qu’elle avait publié de Rome. Après une longue délibération sur la question de savoir ce qu’il pourrait faire pour ajouter aux magnificences de la ville, il s’arrêta à l’érection d’un obélisque dans le grand cirque. D’où provenait ce monument, et quelle en était la forme ? c’est ce que j’expliquerai en son lieu.

Pendant ce temps des pratiques odieuses étaient secrètement employées par l’impératrice Eusébie contre Hélène, sœur de Constance et femme de Julien, qu’elle avait, sous un semblant d’affection, amenée à Rome avec elle. Frappée de stérilité elle-même, elle sut se procurer et faire prendre à sa belle-sœur, par surprise, un breuvage destiné à faire avorter celle-ci chaque fois qu’elle deviendrait enceinte. Déjà un enfant mâle, dont Hélène était accouchée dans les Gaules, avait péri par la complicité d’une sage-femme gagnée, qui opéra de trop près la section de l’ombilic tant on attachait d’importance à empêcher qu’un grand homme ne laissât de postérité !

L’empereur ne songeait qu’à prolonger son