Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/685

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veaux soldats à la place de ceux qui se retiraient avec congés après le temps de leur service ; on a encore négligé de remplacer les morts, les déserteurs, ceux qu’on est obligé de renvoyer pour cause d’infirmités ou de maladie ; et tout cela fait un si grand vide dans les troupes, que, si l’on n’est pas attentif à les recruter tous les ans et même tous les mois, l’armée la plus nombreuse est bientôt épuisée. Ce qui a encore contribué à dégarnir nos légions, c’est que le service y est dur, les armes pesantes, les récompenses tardives, la discipline sévère ; la plupart des jeunes gens en sont effrayés, et prennent parti de bonne heure dans les auxiliaires, où ils ont moins de peine, et des récompenses plus promptes à espérer. Caton l’Ancien, qui avait souvent été consul, et toujours victorieux à la tête des armées, pensa qu’il deviendrait plus utile à sa patrie en écrivant sur la discipline militaire, qu’il ne l’avait été par ses victoires. Le fruit des belles actions est passager, mais ce qu’on écrit pour le public est d’une utilité durable. Plusieurs auteurs ont traité le même sujet, surtout Frontin, dont les talents trouvèrent un approbateur dans l’empereur Trajan. Ce sont les leçons, les préceptes de ces habiles écrivains que je rédige ici, dans un abrégé le plus court et le plus fidèle qu’il m’est possible. Mais il n’appartient qu’à votre Majesté de corriger les abus que les temps ont introduits dans la milice, et de la remettre sur l’ancien pied. Cette réforme, auguste empereur, dont les siècles à venir jouiront comme notre âge, serait d’autant plus avantageuse, que de bonnes troupes, bien disciplinées, ne coûtent pas plus à entretenir que de mauvaises.

chapitre iv.
Combien les anciens menaient de légions à la guerre.

Tous les auteurs font foi que chaque consul ne menait contre les ennemis les plus redoutables que deux légions, renforcées de troupes alliées, tant on comptait sur la discipline et la fermeté des légionnaires. Je vais donc expliquer l’ancienne ordonnance de la légion, suivant le code militaire. Si l’exposé que j’en ferai se trouve embarrassé, on doit moins me l’imputer qu’à la difficulté de la matière. Pour la bien entendre il faut y donner une attention particulière ; une chose de cette importance la mérite bien, puisque l’ordonnance des troupes une fois conçue, un empereur peut se faire autant de bonnes armées qu’il voudra.

chapitre v.
Comment se forme la légion.

Après avoir choisi avec soin, pour faire des soldats, des jeunes gens d’une complexion robuste et de bonne volonté ; après leur avoir montré l’exercice tous les jours pendant quatre mois, on en forme une légion, par l’ordre et sous les auspices du prince. On commence par imprimer des marques ineffaçables sur la main des nouveaux enrôlés, et on reçoit leur serment, à mesure qu’on enregistre leur nom sur le rôle de la légion ; c’est ce qu’on appelle le serment de la milice. Ils jurent par Dieu, par le Christ et par l’Esprit-Saint, et par la majesté de l’empereur, qui, après Dieu, doit être le premier objet de l’amour et de la vénération des peuples ; car dès