Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/705

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ordinairement dans une attaque imprévue, ne produit plus cet effet dès qu’on en est prévenu. Nos anciens avaient grand soin que dans l’action les équipages ne fussent pas trop près des combattants, craignant, avec raison, que des valets, intimidés et blessés, ne troublassent l’ordre du combat, et que les chevaux de bât, effarouchés, ne blessassent les soldats ; ils veillaient à ce que les soldats, étant trop serrés, ne se nuisissent les uns aux autres, ou qu’étant trop au large, ils ne laissassent dans le rang des vides propres à y pénétrer : c’est pourquoi l’usage était de ranger les équipages sous des enseignes, à l’exemple des soldats ; on choisissait même parmi les valets ceux qui avaient le plus de bon sens et d’expérience, pour leur donner à chacun une espèce de commandement, qui ne s’étendait jamais sur plus de deux cents ; et ceux-ci avaient des enseignes, pour savoir dans l’occasion où se rallier avec leurs chevaux de bagages. Il faut aussi laisser un intervalle entre les équipages et les combattants qui les couvrent, pour que ceux-ci, trop pressés, n’en soient point incommodés. Quand l’armée est en marche la défense doit varier selon l’espèce d’attaque que la situation des lieux rend plus vraisemblable. En rase campagne, par exemple, il y a plus d’apparence d’être attaqué par de la cavalerie que par de l’infanterie : c’est tout le contraire dans des bois, des montagnes, des marais ; il faut marcher serré, sans permettre que des soldats se détachent par pelotons, ni que les uns aillent trop vite, les autres trop lentement ; car c’est ce qui rompt une troupe, ou du moins ce qui l’affaiblit, parce que cela donne à l’ennemi la faculté de pénétrer par des intervalles : le moyen de l’éviter est de poster de distance en distance des officiers d’expérience, qui sachent contenir les uns et presser les autres. Cela est d’autant plus important, qu’à la première attaque qui se fait en queue, ceux qui se sont portés trop en avant pensent ordinairement moins à rejoindre qu’à fuir ; pendant que les traîneurs, se trouvant trop loin de la troupe pour en être secourus, sont vaincus par l’ennemi et par leur propre découragement. On doit toujours compter que l’ennemi placera des embuscades, ou attaquera à force ouverte, selon que les lieux lui paraîtront s’y prêter. C’est à ne s’y pas laisser prendre que consiste l’habileté d’un général qui a commencé par bien reconnaître le pays. Et si l’embuscade est découverte, si elle est enveloppée à temps, elle fait plus de mal à l’ennemi qu’il n’espérait en faire. Si vous prévoyez, au contraire, qu’on vous attaquera à force ouverte dans les montagnes, saisissez-vous des hauteurs par détachements, afin que l’ennemi, vous trouvant en même temps en front et pour ainsi dire sur sa tête, n’ose vous attaquer. Si vous trouvez des routes étroites, mais qui assureraient votre marche, faites-les ouvrir avec des haches, plutôt que de prendre des grands chemins, qui exposent à l’ennemi. Examinez s’il est dans l’habitude de faire ses attaques la nuit, au point du jour, à l’heure du dîner ou le soir, quand les soldats sont fatigués ; et défiez-vous de ce qu’il est en usage de pratiquer. Sachez s’il est plus fort en infanterie qu’en cavalerie, en lanciers qu’en archers ; s’il l’emporte sur vous par le nombre des combattants ou par le choix et la bonté des armes ; et faites là-dessus vos dispositions à votre profit et à son