Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/707

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chapitre viii.
Comment on établit un camp.

Après avoir parlé des précautions qu’une armée doit observer en marche, l’ordre demande que nous parlions de celles qu’exige un campement. On ne trouve pas toujours une ville murée, soit pour le logement d’une nuit, soit pour un plus long séjour : il serait donc imprudent, dangereux même, de faire camper une armée pêle-mêle, sans défense, parce qu’on surprend facilement des troupes occupées à prendre leur repas, ou dispersées pour les différents services. En outre, l’obscurité de la nuit, la nécessité du sommeil, l’envoi des chevaux à la pâture, sont autant d’occasions d’insultes. Il ne suffit pas de choisir un camp avantageux par lui-même, s’il n’est tel qu’on n’en trouve pas un meilleur où l’ennemi nous aura devancés, et d’où il pourra nous incommoder dans le nôtre. Il faut camper en été à portée d’une eau saine, en hiver à portée des bois et des fourrages, sur un terrain qui ne soit ni sujet à l’inondation, ni embarrassé par des défilés de telle sorte, qu’en cas d’investissement la sortie ne soit pas difficile ; qui ne soit pas commandé par des hauteurs d’où nous arrivent les traits de l’ennemi. Ces précautions une fois prises avec soin, on fera son camp rond ou carré, triangulaire ou rectangle, selon que le terrain le souffrira, car la forme des camps n’en détermine pas la bonté : cependant on regarde comme les plus beaux ceux dont la longueur a un tiers de la largeur. C’est aux officiers chargés de tracer le camp à le ménager de sorte qu’il contienne commodément la troupe qui doit l’occuper : car un terrain trop étroit entasse les combattants, trop étendu il les disperse. Il y a trois manières générales de fortifier un camp : premièrement, s’il ne s’agit que d’y loger une nuit ou de s’y arrêter en passant, il suffit d’élever un retranchement de gazon, sur lequel on plante des pieux ou des chausse-trapes de bois ; ces gazons se lèvent avec des pioches, en sorte que la racine des herbes y tienne ; ils ont un demi-pied d’épaisseur, un pied de largeur, un pied et demi de long. Si la terre n’a pas la consistance nécessaire pour être levée en gazon, on se contente creuser à la hâte un fossé de cinq pieds de large sur trois et demi de profondeur. La terre, relevée du côté du camp, le met hors d’insulte pour une nuit ; mais les camps de résidence, soit en été, soit en hiver, lorsque l’ennemi est proche, demandent plus de soin et de travail. Les officiers chargés de marquer le camp distribuent à chaque centurie un certain nombre de pieds de terrain à retrancher ; alors les soldats, ayant rassemblé autour des enseignes leurs boucliers et leurs bagages, ouvrent, sans quitter l’épée, un fossé de neuf, onze ou treize pieds, quelquefois même dix-sept, si l’on prévoit un plus grand danger et un effort à soutenir ; mais toujours en nombre impair. Derrière ce fossé, et de la même terre qu’on en a tirée, se forme le rempart, qu’on soutient par des palissades et des branches entrelacées, pour empêcher l’écroulement : c’est sur ce rempart qu’on ménage des créneaux et autres défenses, dont on fortifie ordinairement les murs d’une place. Les centurions mesurent la tâche